Le Prix Goncourt 2022, vraiment ?
Seule en sa demeure, roman de Cécile Coulon découverte il y a trois ans avec son émouvant Une bête au paradis avait trainé sur ma table de nuit pendant de longs mois. Son huitième roman est abouti, palpitant même. Une ambiance s’installe dès les premières pages, inquiétante, mystérieuse. L’homme de la maison est-il fragile comme du cristal ou tordu comme Dutroux en son château ? Cécile Coulon n’a que trente-et-un ans, a commencé à être publiée dès l’âge de seize ans. Elle sera une grande écrivaine française.
Prix Goncourt 2022, Brigitte Giraud est censée avoir déjà obtenu ce statut. Pourtant c’est peu dire que son Vivre vite m’a laissé sur ma faim. En comparaison des remarquables Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu en 2019, Chanson douce de Leïla Slimani en 2016, Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre en 2013, La Carte et le Territoire de Michel Houellebecq en 2010, Trois Femmes puissantes de Marie Ndiaye en 2009 et surtout les incroyables Bienveillantes de Jonathan Littell en 2006, la livraison 2022 de l’Académie Goncourt est bien pauvre : pauvre la langue, pauvre la grammaire (des après que suivis, horreur absolue, du subjonctif !, des fautes de français… « sa cheffe l’avait prié de choisir le costume au profit des baskets » ?). Surtout, la ficelle consistant à décrire le pouvoir des petits hasards de la vie sur la survenance de la catastrophe (je ne « spoile » pas, c’est public : la mort du mari de l’autrice dans un accident de voiture) est séduisant sur le papier mais mené de manière lassante. Heureusement, il reste une ambiance baignée d’absurdité, la succession des « duties » débilitantes, la vie matérielle aurait écrit l’immense Marguerite Duras…elle nous manque ! Le jury du Goncourt n’a-t-il pas eu tout faux ? La presse s’est emparée des querelles picrocholines qui le traversent, dont celle ayant mené au rejet pour le Prix du Mage du Kremlin, de Giuliano da Empoli. Sa plongée dans l’univers de Poutine mûrissant son funeste dessein expansionniste est pourtant une vraie réussite. Les lecteurs ne s’y trompent pas : avec moins de 200 000 ventes ces deux premiers mois, Vivre vite décolle deux fois moins vite qu’attendu.
Voilà que je me mets à proférer des méchancetés ? Il est temps d’aller réveillonner. Bonne année à tous !
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